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"Mes souvenirs, ce sont surtout mes promenades juvéniles, et c'est souvent vers la Neva que l'on me dirigeait. Quand un train de barges s'annonçait, nous courions vers le milieu du pont, afin de voir les cheminées trop hautes du remorqueur s'incliner avant qu'il ne glisse sous le tablier du pont. Sur un bras de la Neva, une petite chapelle orthodoxe construite sur le pont d'une péniche attirait également ma curiosité. Je me vois aussi en costume marin, portant une icône, en tête du cortège nuptial d'un officier de la Garde impériale, épousant une parente de ma mère..."
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Depuis trois siècles, le vestiaire de l'enfant, quelle que soit sa classe d'âge, comporte des tenues devenues de classiques et notamment le costume marin. L'idée de vêtements spécifiques à l'enfant, de sexe masculin d'abord, naît au XVIIIème siècle, avec l'habit de matelot. En fait, celui-ci fut introduit en 1628 en tant qu'uniforme dans la marine anglaise. Dans les années 1840, le Prince Edward VII fut photographié à l'âge de cinq ans en costume de marin. Ce fut là le début de la longue carrière que fit ce gentil costume qui devint aussitôt à la mode en Europe pour habiller les jeunes enfants, aussi bien les garçons que les filles.
En effet au début du XXème siècle, la mode enfantine reste dominée par celui-ci, pour les garçons surtout , mais elle se transmet aussi aux petites filles.
Dès 1906, c'est-à-dire, un an tout juste après le premier numéro de la Semaine de Suzette, les petites cousettes se virent proposé la réalisation d'un " Costume de Quartier Maître ". |
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Celui-ci se compose d'une jupe plissée monté sur un gilet simple brodé d'une ancre marine, d'une vareuse à col " marin " bien sûr, et - si Tante Jacqueline suggère de l'exécuter dans la couleur traditionnelle bleu marine avec col bleu plus clair, le tout orné de galons blancs, - elle n' exlut pas d'autres coloris selon le goût de la cousette ( 1906, 2ème semestre, page 70 & 86 )
Un second est rapidement proposé dès le premier semestre 1908, soit un an et demi plus tard seulement, ce qui prouve bien que la mode est là, incourtournable même pour une petite poupée et que Bleuette la suit de près. Ce modèle là est simplement nommé " Costume Marin ", le béret lui est qualifié de " Béret Basque " doté d'un couvre nuque de toile blanche " qui empêche le soleil de frapper derrière la tête et garantit les insolations souvent meurtrières ". <------( 1908, 1er semestre, page 292 )
Un troisème de nouveau baptisé " Costume de quartier maître " est proposé sans tarder deux ans plus tard. Suggéré en drap léger ou cheviote bleu marine et soutaché de bleu pâle, rouge ou blanche, vareuse bord à bord, il est brodé d'une belle ancre marine suivie du mot France dans une teinte assortie à la soutache.
( 1910, 1er semestre, page 309 )------>
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Là et pendant sept années, plus aucune proposition de ce petit classique à faire chez soi. Il est vrai, et nous le verrons dans la suite de cette étude, le trousseau prêt à porter pour Bleuette de la Maison Gautier en a sorti un dès 1907, puis encore en 1912.....
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En 1917, en pleine guerre donc, dans son premier semestre, la Semaine de Suzette propose, dans ses numéros 14 et 16, un ravissant costume marin...de plage ! Petite vareuse ravissante à plastron, fermant devant par des boutons pression et portée sur un petit short long ainsi commentés par tante Jacqueline : " Il paraît que Bleuette désire se déguiser en garçon. C'est l'esprit militaire qui souffle. Voici donc un costume de plage composé de la veste de quartier maître et d'une culotte droite "
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En 1919, dans le premier semestre, donc juste à la sortie de la Grande Guerre, un cinquième " Costume Marin " est proposé avec une jupe montée sur une ceinture, la vareuse n'est pas ouverte entièrement et s'enfile obligatoirement par la tête - de nos jours nous appellerions cela une marinière -, le béret pour la première fois est orné d'un beau pompon dont on explique la réalisation. Trois modèles d'insignes à broder ( dont une ancre ) sont proposés. (1919, 1er sem., page 41 et 59 des numéros 4 & 5).
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Enfin, en 1935, un dernier costume à faire soi-même, ainsi présenté: " Bleuette réclame son incorporation dans la marine. Elle trouve que les femmes peuvent naviguer aussi, probablement. Mais il faut croire, que Bleuette, toujours coquette est désireuse du nouveau, tient surtout à arborer un costume élégant et seyant de plus.......". Les Suzette-Cousettes se sont donc vues proposer pas moins de sept costumes-marins en 19 années de Semaine de Suzette, tous différents et qui, bien réalisés, sont absolument délicieux.
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Les précédents modèles étaient tous de Jacqueline Rivière dite " Tante Jacqueline " décédée en 1920. Les deux derniers modèles sont de sa fille Suzanne Rivière. C'est aussi le dernier de ce costume classique proposé aux Suzette dans la rubrique célèbre " Nous habillons Bleuette ". Le trousseau de prêt-à-porter Gautier-Languereau de Bleuette a en effet explosé et la rubrique couture ne devant pas faire d'ombre à celui-ci, l'accent y sera mis désormais sur la lingerie, les accessoires, les costumes régionaux ( 12 en 1931 ! ! ! ) pour habiller cette gentille poupée.
Nous sommes toujours avant les catalogues et dès avant ceux-ci, la Maison Gautier vendait par l'intermédiaire du journal un trousseau qui se complétait d'un mois sur l'autre ou d'une saison sur l'autre. Ainsi le tout premier Marin de Bleuette vendu directement en confection date de....1907 dans le numéro 8 du 28 Mars 1907. Non dessiné mais décrit comme composé de trois pièces - jupe, vareuse et béret en étoffe bleu marine avec col et plastron de toile ( le colori de ces deux dernier n'étant pas pécisé ), il est vendu 2,45 F. Nous sommes toujours aux Francs-Or, et à l'époque Bleuette valait 2,50 F.
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C'était donc une somme importante pour un simple petit vêtement. Il est d'ailleurs placé en tête des nouveautés, décrites comme " particulièrement soignées et élégantes ". Pas de dessin, pas plus de détails, à l'heure actuelle, personne ne l'a semble-t-il identifié comme tel. Nous ne pouvons donc pas vous le montrer à notre grand regret !
Toujours avant catalogue, une seconde version est proposée en pleine guerre ( 1915, 2ème semestre, n° 45, page 303 ). Elle est vraiment nouvelle : toujours trois pièces donc -jupe,vareuse et béret - en étoffe bleue marine avec col et plastron de piqué blanc. Il coûte 2 Fr,75 soit 30 centimes de plus ce qui est négligeable. Pas le moindre dessin. Mais nous allons bientôt le voir , nous sommes le 9 Décembre 1915, les fameux petits catalogues ne sont plus loin !
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En effet le 7 décembre 1917, la parution du premier catalogue est ainsi évoquée : " Nos abonnées directes recevront en même temps que le journal un très beau catalogue de luxe du Trousseau de Bleuette pour la saison d'hiver. Il a seize pages, illustrées de nombreux dessins et est imprimé en couleurs. Nos lectrices non abonnées pourront le recevoir en nous envoyant un timbre de 10 centimes. Qu'elles se hâtent, le tirage étant limité.
Dans ce premier petit catalogue édité pour l'hiver 1916/1917 qui paru en gros six mois plus tard, il est enfin joliment dessiné et ainsi décrit :
" MARIN - Costume complet : jupe, vareuse, béret, étoffe bleu-marine; col et plastron de piqué blanc " et a pris 1 Fr ( à 3,75 F. ). et nous voyons ainsi la vareuse, dotée d'une rangée de boutons à droite comme à gauche, entrouverte sur un haut de corps -dont on nous parlera plus loin- auquel est rattchée la jupe au large pli plat devant. Les poignets de la vareuse sont déjà en piqué blanc assortis au col et au plastron et ont été oubliés dans la description. Le béret est extrêmement large comme on les faisait alors pour ce genre de costumes d'enfants. |
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C'est vraiment l'explosion du trousseau et de la Grande Mode de ce petit costume Marin ! Six mois plus tard, dans le catalogue suivant, hiver 1919/1920, encore trois Marin. Celui de coutil blanc sorti six mois plus tôt; un second en coutil rayé bleu et blanc à col bleu, enfin " 3 " troisièmes en jersey soit vert, soit gros bleu, soit bleu lin ! ( Une très petite augmentation de 20 centimes par ensemble -7,10 F.-, Bleuette vaut maintenant 7,50 F....... )
Tous ces petits costumes sont conçus comme ceux de l'été précédent : vareuse ample enfilée par la tête, jupe entièrement plissée dont un large pli plat devant et bonnet emboitant bien la tête gravé d'un nom en lettres peintes or. Remarquez qu'il y a là le choix entre cinq qualités et coloris !
Au printemps 1920, Bleuette revient à plus classique avec des marins de coutils blancs ou rayé bleu et blanc ou en serge marine.
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Mais l'hiver qui suit ( 1920/1921 ) reprend les "serge bleu marine" mais aussi les " jersey " cités plus haut ; les coutils blancs, teinte estivale et délicate, ont disparu. Et là, première forte augmentation. Fini le franc-or, les contrecoups de la guerre se font sentir, il faut ajuster le tarifs. En serge marine, il fait un bond de 2Fr 50 ; en jersey de 45 centimes seulement. Or ce sont les mêmes modèles, le prix de la serge était probablement plus élevé que celui du jersey dont on ne connaît pas la matière. Bleuette aussi fait un bond, la " Bleuette-Poupée Jumeau " 9 Fr, la " Bleuette Dormeuse " 11,50 F ....
Et si l'été 1920 le petit marin qui nous occupe voit son prix baisser oh ! très légèrement ( moins de 1 Fr ) et présenté en quatre propositions différentes( blanc, rayé blanc et bleu, jersey bleu ou vert ( un seul ton de bleu aparemment...) notre petite Bleuette , aussi, poursuit l'escalade de quelques centimes.
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Hélène BUGAT-PUJOL Tous droits de reproduction même
* Classique déja traité : Le Petit Bob
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