L'OURS DANS TOUTES SES FORMES
« A chaque âge, dans toutes les tailles, pour tous les goûts, l’ours en peluche est un symbole : il suffit d'y croire pour que tout soit pour le mieux dans le meilleur des mondes » |
Poupendol essaye de vous présenter chaque mois un sujet nouveau, qui - le plus souvent - est la réunion d'éléments
recueillis à diverses sources. Or cette fois-ci, il a trouvé une seule mais très belle étude, instructive et historique. Dans une ancienne Commanderie de l'Ordre de Malte, à SOULTZ ( 68360 Haut Rhin ), la NEF des JOUETS, abrite d'une manière courante les collections de Joëlle et Richard HAEUSSER et, plusieurs fois par an, des expositions temporaires. La dernière d'entre elles, depuis fin mars 2013, s'intéresse à "L'Ours dans toutes ses formes "grâce aux prêts de " Mireille " collectionneuse bien connue. A cette occasion il est publié une étude remarquable sur les Ours en peluche, leur origine, la maison Steiff, Marcel Pintel, Benjamin Rabier (son ours Martin est presqu'aussi connu que la Vache qui rit ), les matériaux utilisés à travers les ans....etc. C'est cet article que nous vous proposons de lire et apprécier. |
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« Quand un ours en peluche a été aimé par un être humain, son expression en garde la trace pour toujours »
Jama Kim Rattigan |
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La rétrospective à la Nef des Jouets
Pour coller à l’actualité du 15e salon ours et poupées mais aussi au 110e anniversaire de l’ours en peluche, la Nef des Jouets propose une exposition temporaire sur ce thème très populaire. Pour l’occasion, des peluches de tous poils et de toutes époques, sont sorties des cartons de Mireille, collectionneuse haut-rhinoise bien connue. Une arctophile convaincue De multi-collectionneuse (philatélie, poupées et jouets divers, cartophilie…), Mireille est devenue naturellement « arctophile » c’est-à-dire « collectionneuse d’ours en peluche ». Elle a commencé à s’y intéresser en l’an 2000. Comme elle aime à le dire, « les nounours, c’est ma dernière collection en date ». Parmi ses protégés, c’est incontestablement les ours Steiff qu’elle préfère. Elle les trouve plus beaux et plus doux que ceux des autres marques. Elle a d’ailleurs acquis de nombreuses et luxueuses rééditions de la célèbre maison allemande, toujours en activité. Mireille possède quelques spécimens datant des débuts officiels de l’ours en peluche (à partir de 1903). Toutefois, la grande majorité de ses ours ont été fabriqués dans les années 1930 et jusqu’à nos jours. Les pièces qu’elle présente à la Nef des Jouets ne concernent pas seulement la peluche mais font référence à des domaines très divers qui ont mis en avant le thème de l’ours : cartes postales, philatélie, chromos, calendriers, automates, battery-toys… Pour ce qui est des jouets, les marques exposées font également la part belle à la production française. On y retrouve ainsi les sociétés FADAP, JPM, PINTEL, BLANCHET, GéGé, DANY France… STEIFF et HERMANN pour l’Allemagne,figurent également en très bonne place. Bien que sa collection soit déjà bien étoffée et riche, il est à parier que Mireille ne s’arrêtera pas en si bon chemin et qu’elle restera à l’affût de nouvelles pièces. |
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Petite Histoire du Nounours
Confident privilégié, compagnon de jeux tendre et docile, l’ours en peluche semble faire partie de l’univers des enfants depuis des temps immémoriaux. Or, ce jouet-ami est à peine centenaire ! Il a fait son apparition officielle en 1903, la date est bien connue. Là où les avis divergent, c’est au sujet de son créateur et sur le lieu de sa naissance. Car ce vénérable « grandpère" peut revendiquer une double paternité et, à l’instar des enfants, il aurait lui aussi un papa et une maman. L’ours en peluche serait né en Allemagne, patrie de sa « maman » au XIXe siècle à Giengen-an-der-Brenz, petite ville d’une région pauvre de l’Allemagne (Bade-Wurtemberg),où vivait Margarete Steiff, une petite fille atteinte de poliomyélite. Bien que clouée à un fauteuil, Margarete refuse de se laisser abattre par l’adversité. Elle veut se rendre utile et va profiter de l’implantation d’usines de feutre et de l’apparition de la première machine à coudre à Giengen, pour confectionner des vêtements pour enfants puis plus tard des pelotes à épingles aux formes originales. Elle crée ainsi un éléphanteau qui remporte un succès considérable. D’objet utile, le petit éléphant porte-épingles devient très vite un objet ludique. Forte de cette expérience, Margarete va réaliser d’autres animaux-jouets dans le même esprit. |
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Sa famille la soutient beaucoup et notamment son frère et ses cinq neveux. Parmi ces derniers, se distingue Richard, un brin rêveur. Il passe son temps libre au zoo de Stuttgart, subjugué par les ours qu’il ne se lasse pas de croquer dans son carnet. C’est lui qui propose à Margarete de réaliser un ours, non pas en feutre cette fois, mais à poils longs, avec la tête et les membres mobiles. L’idée est novatrice pour l’époque et Margarete s’empare du projet avec maestria. Présenté à la Foire du Printemps de Leipzig en 1903, l’ours de Margarete est pourtant boudé par les visiteurs. Jusqu’au dernier moment du dernier jour de la foire, lorsqu’un Américain Georges Borgfeldt de NewYork, s’arrête devant le stand et a un véritable coup de coeur pour « l’exclu », l’ours dont personne ne semblait vouloir… Il en commande 3.000 exemplaires ! |
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C’est le début d’une formidable épopée pour la maison Steiff dont l’ours en peluche devient le totem, reconnaissable au bouton de métal fixé invariablement sur l’oreille gauche. Aujourd’hui encore, les ours Steiff sont considérés comme les plus prestigieux au monde, garants de qualité et d’innovation. Ci-contre à gauche- Margarete Steiff posant avec son premier ours mythique, le Bär 55PB, en peluche de mohair et yeux en boutons de bottines.
On le retrouve sur
la photo ci-contre à droite————- |
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L’ours en peluche serait né aux Etats-Unis, patrie de son « papa »
Une autre version de l’histoire de notre cher plantigrade de tous poils, nous reporte de l’autre côté de l’Atlantique, dans la patrie de Theodore Roosevelt. C’est lui qui aurait involontairement donné naissance au premier ours en peluche.
Fin 1902, il se rend dans le Sud pour régler un problème de frontières entre Louisiane et Mississippi, tout en s’adonnant à son activité favorite : la chasse à l’ours. Hélas, le président revient toujours bredouille de ses expéditions. Ses hôtes, soucieux de sauver sa réputation de grand chasseur, lui amènent un jour un ourson capturé et maintenu au bout d’une corde. Trophée facile, pense le président, qui demande qu’on relâche la pauvre bête, en ajoutant : « Si je tue ce petit ourson, je ne pourrai plus jamais regarder mes enfants en face ». Clyfford Berryman, un caricaturiste politique, est témoin de la scène et s’empresse de réaliser un croquis qu’il envoie au journal Washington Post. Le dessin remporte un énorme succès. |
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Il ne passe pas inaperçu auprès d’un petit commerçant de Brooklyn, Michton Harris. Emigré russe, ce dernier vend dans sa petite boutique bonbons et menus jouets réalisés par son épouse. La caricature de Berryman va lui donner une idée de génie. Il confie à sa femme la réalisation d’un ours en peluche révolutionnaire, le pose dans sa vitrine, accompagné du fameux dessin. Les commandes affluent, dépassant toutes les espérances du couple.
Michton Harris ne manque pas d’envoyer un spécimen au président et le sollicite pour donner son nom à la créature poilue qu’il vient d’inventer. Ainsi naît, en 1903, le Teddy Bear (Teddy étant le diminutif de Theodore). Harris, devenu riche et célèbre, vend son prototype à " Ideal Toy Corporation " qui reste encore aujourd’hui l’une des plus grosses firmes de jouets aux USA. Et vous, ami lecteur, laquelle des deux versions préférez-vous ? Qu’il ait été créé en Allemagne ou aux Etats-Unis, ou même ailleurs, l’idée de l’ours en peluche devait être en« l’air » en ce début du XXe siècle, en plein âge d’or du jouet. Il lui fallait juste trouver un artiste, ayant gardé son âme d’enfant, pour s’incarner de façon durable et prendre la première place dans le coeur des enfants |
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« Même si votre ours en peluche est déchiré, son amour ne s’échappera pas » Eve Frances Gigliotti |
Et le nounours en France ?
A la fin du 19ème siècle, on attribue à la maison Martin un ours mécanique (pouvant se relever sur ses pattes) et recouvert de fourrure véritable. De même, la maison Roullet & Decamps était célèbre à cette Lors de la Première Guerre mondiale,l’Allemagne n’importe plus de jouets en Europe.époque, ours buveurs, sauteurs, culbuteurs, joueurs de cymbales…L’ours en peluche fut mis en vente pour la première fois en France en 1906 (Grands Magasins du Louvre à Paris) ; c’était un jouet allemand. D’autres pays émergent alors dans ce marché, notamment la France. Entre 1909 et 1911, l’industrie du jouet en tissu bourré et peluche voit timidement le jour avec Marcel Pintel et Jacques Emile Lang ( Manufacture Française de Jouets en tissus ) C’est avec son « ours clown culbuteur », doté d’un mécanismeque Marcel Pintel se rendit célèbre en 1911. Pintel fut le premier fabricant industriel d’ours jouets. Les premiers spécimens en mohair sortis de ses ateliers datent de1920 (bouton cousu à la poitrine). Toutefois, la maison Thiennot, dans l’Aube, qui avait d’ailleurs formé Marcel Pintel, semble avoir réalisé le premier ours en peluche en 1919, soit un an plus tôt. Les ateliers et fabricants de peluche se sont multipliés pendant l’âge d’or de la peluche française entre 1930 et 1970. Samy Odin (directeur du Musée de la Poupée à Paris) en a recensé pas moins de 130 ! L’ours Martin, imaginé par l’illustrateur Benjamin Rabier, est le cousin du Teddy Bear. La production française se distingue par une conception plus artistique et plus poussée de l’ours en peluche, qui prend aussi des allures plus débonnaires… |
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Quelques marques célèbres… - France : Pintel, FADAP, Martin, Marjo, Emile Lang, Blanchet, Emile Thiennot, Alfa-Paris - Allemagne : Steiff, Bing, Hermann, Gebrüder Sussenguth, Schuco - Angleterre : Chad Valley, Merrythought, Farnell, Dean’s, Chiltern, Pedigree Soft Toys Ltd - Etats-Unis : Ideal Novelty and Toy Co., Gund - Australie : Joy Toys |
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Les premiers ours en peluche sont souvent réalisés en mohair (fourrure tirée des poils de chèvres angora), puis en rayonne (soie artificielle) qui apparaît dans les années vingt, et leur confère des reflets brillants. A cette période, le velours, le molleton sont bien présents également. En 1954, la société française Boulgoum lance un ours révolutionnaire en utilisant le latex ( plus souple, plus doux ) pour le rembourrage tandis que le nylon remplace le revêtement en peluche dans les années 1960. A partir des années 1970, on s’intéresse à l’aspect sécuritaire du jouet. L’ours en peluche passe par cette étape obligatoire ; on accorde un soin particulier à la fixation des yeux par exemple. Jusqu’après les années 1980, l’ours en peluche, de plus en plus potelé, est réalisé avec de plus en plus de fantaisie. A leur apparition, les ours en peluche sont bourrés de paille de bois, de sciure et plus tard de kapok (matière végétale), puis de latex (1954), de mousse synthétique... Plus tard encore et jusqu’à nos jours, la bourre a été remplacée par des copeaux synthétiques, puis par de la ouate en polyester. Les yeux sont d’abord en boutons de bottines, puis en verre à partir de 1910, en boutons de culottes, en porcelaine peinte et enfin en plastique. La truffe et la bouche sont brodées ou cousues au départ. Les articulations, d’abord en ficelle, sont réalisées grâce à des barres métalliques puis à des disques de bois ou de carton maintenus par des goupilles. Le procédé inventé par Richard Steiff en 1905 ( jointures en disques métalliques ) restera quasiment inchangé jusqu’à nos jours . |
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Notes complémentaires
Les premières peluches dateraient en Occident du dernier quart du XIXe siècle.
Fabriquées en fourrure de mouton, lapin ou mohair, elles reproduisaient fidèlement chats, chiens, chevaux, singes, éléphants, lions…Mais aucun animal n’aura l’incroyable succès de l’ours. Une ancienne coutume, semblant remonter à l’Antiquité, encourageait les parents à jucher leurs enfants à califourchon sur un ours afin que jamais il ne connaisse la peur… C’est au dix-neuvième siècle que l’ours suscita l’intérêt des jeunes générations. Des spectacles ambulants montraient des ours vivants et savants exécutant des numéros de dressage et ce, principalement, dans les villes et villages de l’est de la France et dans l’Ariège. Les montreurs d’ours fascinaient petits et grands et fournirent le thème d’une abondante imagerie, à travers la carte postale et l'affiche. Parallèlement, des objets à l’image du plantigrade apparurent : les « ours de Berne » en bois sculpté et peint, les « ours de Copenhague » en faïence qui représentaient les ours blancs des légendes nordiques, les « Onain » de France avec les célèbres pichets « ours ». Les jouets ours ont commencé à exister au milieu du 19ème siècle sous forme d’automates et de sculptures à mécanismes mais ils n’étaient pas destinés qu’aux enfant. Les premiers manufacturiers de jouets-ours étaient Steiff en Allemagne et Pintel et Martin en France |
Bibliographie et crédits photographiques - L’ours dans tous ses états, Geneviève et Gérard PICOT, Editions du Chêne, 1987 - Histoire des Jeux et Jouets de notre enfance, Sylvie ABOU-Tabart, Editions du May, 2008 - Das Tor zur Kindheit – Die Welt der Margarete Steiff – Wolfgang HEGER, Editions Mitteldeutscher Verlag, 2009 - Ours en peluche – L’oeil du chineur – Judith MULLER, Editions Gründ, 2010 - Boules de poils – Le meilleur de la peluche française 1876-2006 ; Samy ODIN ( Musée de la Poupée-Paris, 2006 ) - Les Ours, Sue PEARSON – Editions Gründ, 1995 - Guide du collectionneur de nounours, Peter FORD, Edition MLP, 1999 - Les merveilleux ours en peluche, Pauline COCKRILL, Editions Prestige Solar,1992 - Les ours en peluche – Le guide du collectionneur pour choisir, acheter et restaurer les ours en peluche, Margaret et Gerry GREY, Editions Celiv, 1994 |
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