Au siècle dernier, c'est bien connu, les petites Filles naissaient dans les roses et les petits Garçons dans les choux  ! les Cigognes assurant la livraison.

Et nos Poupées ? Voilà une bonne question.......

Et bien dans de grandes usines un peu noirâtres, à haute cheminée, des manufactures souvent énormes, très industrielles, dont elles sortaient avec un teint de pêche !

Nous avons le privilège de posséder de nombreuses factures qui nous révèlent l'état civil de certaines d'entre elles, leur lieu de conception et de naissance, le grand magasin Métayer de Besançon auquel elles étaient attendues en vue d'une adoption pour Noël ou une autre fête.

 

 

Nous savons que la S.F.B.J. est le résultat de la fusion de plusieurs de ces usines en particulier les plus célèbres à l'époque pour la qualité et la beauté de leur fabrication, savoir Jumeau, Eden Bébé, F.Gaultier, Paul Girard et ses Bébés Bru etc..... pour ne citer que ceux là.

La plus ancienne facture en notre possession des 5 et 6 décembre 1905, n'est toutefois pas une facture de la S.F.B.J. mais de la Manufacture de Jouets de Lunéville, la Société Villard - Weill & Cie dont la maison à Paris se trouvait 20 Rue notre Dame de Nazareth, au capital de 760.000 Francs-Or de l'époque, ce qui n'est pas rien, mais retenez bien ce chiffre pour faire des comparaisons ultérieures. Elle adressait donc à la maison Métayer de Besançon pour 96,30 Fr-Or de Patiences, Autos, Constructions, Epiceries, Arches, Chats, Chiens, Ânes, Opéras etc.....

Et la facture qui la suit, très ancienne elle aussi, est de la S.F.B.J., que nous ne quitterons plus pendant un long moment. On ne peut qu'admirer celle-ci qui nomme ses Associés les plus réputés et montre les nombreuses médailles obtenues dans différentes Expositions Universelles Françaises ou Etrangères, d'or ou d'argent, le tout imprimé dans un très joli vert sombre sur fond blanc à l'époque, aujourd'hui un peu bistre.....

 

 

 

Et cette première facture envoie à son client de Besançon des Eden-Bébé de tailles différentes par demi- douzaines ou douzaines ! des Articulés, des Caractères ( toujours par 1/4 de douzaine ou 1/2 douzaine ), des Marcheurs, des Habillés, des Habillées-bois, des Bébés-Maillots ( poupards ), des Rajah ( ! ) des Clowns, des Polichinelles, des Promenettes, Guignols, différents trousseaux ( toujours par douzaines, 1/2 ou 1/4 de celles-ci ! ) le tout pour un total de 581 Fr-Or.

Cette facture là du 26 Octobre 1910 est suivie d'une autre le 7 décembre suivant. On y voit figurer des perruques Thibet, des " Articulées ", une douzaine de Caractères, des Souliers et encore des Souliers par douzaines et dans des tailles différentes, encore des Perruques cette fois en cheveux naturels, des " têtes lavables " ( ? ), des " têtes fines ", 2 douzaines de Mignonnette, 2 douzaines de Négresse pour un total de 270,90 Fr-Or...on croit rêver ..!......

 

Sur ces deux factures figurent une remise de 2 % à cet excellent client qu'est Monsieur Métayer, probablement directeur de ce grand Magasin de Besançon que nous pourrions comparer, m'a-t-on dit, aux Galeries Lafayette ou au B.H.V. parisiens.

Sur une facture de l'année suivante où des Bébés sont envoyés là encore par douzaines pour une somme de 220,95 Fr-Or, on peut lire ------->

Et jusqu'à la fin de l'année 1911, les factures sont rédigées à l'encre noir, à la main, d'une belle écriture cursive que l'on apprenait alors si bien à l'école fut-elle républicaine.

 

Malheureusement nous ne possédons pas la notice en question qui a du quitter le service comptable pour les atellers de montage et réparations que ce magasin semblait faire si l'on détaille bien les envois.

En effet, en 1911, plusieurs factures font état de l'envoi, soit d'une paire de mains par la poste ( coût 20 Fr-Or ), soit de perruques, soit de caoutchouc.

 

 

Mais la S.F.B.J. se modernise et s'équipe d'une machine à écrire qui frappe en bleu ou en violet. Le premier document que nous possédons, daté du 26 Mars 1912 relate l'envoi d'une " Tête Fine n° 4 , coiff cousue( coiffée je suppose mais pourquoi cousue ? ) n°4 et d'un " Tête Caractère Poilé n° 235 Taille 2 ".

Avant de quitter ce premier modèle de facture, observons le bien : la S.F.B.J. est une société anonyme au capital énorme pour l'époque de 4.180.000 Fr-OR ! ! ! Son siège social est au 8 de la rue Pastourelle, là même où se trouvait la si célèbre Maison Jumeau. Mais elle a deux autres succursales, une au 160 Rue de Picpus et la deuxième au 6 Rue Montempoivre. Ces deux adresses sont surmontées de 6 médailles d'or et d'argent s'échelonnnant de 1878 ( Jumeau ) à 1900 ( S.F.B.J., diplôme d'honneur, hors concours bien sûr....les autres exposants n'ayant aucune chance à ce moment là de s'aligner face à ce trust.).

 

Les poupées étaient acheminées par caisses en gare de Besançon, les réassortiments et pièces détachées envoyés par la poste. Enfin, et c'est amusant, l'adresse télégraphique de la S.F.B.J. était " PARISBEBE-PARIS "

 

En 1913, le modèle de facture change. Moins luxueux, noir et blanc tout simplement, les récompenses et médailles sont évoquées mais ne paraissent plus. Tout au long de cette année sont adressées uniquement des pièces détachées. Jusqu'au 18 Décembre, à huit jours de Noël, où une facture plus étoffée, d'un montant élevé de 56,55 Fr-Or, mentionne des Bébés, des Têtes Caractère, des perruques....une demi douzaine d'avant bras ( nous y reviendrons ).

 

Le 6 avril suivant, en 1914, un envoi postal d'une tête "237" Taille 4 Poilée, de 2 " 236 " à coiffure plate ( tiens donc, c'est qu'il y en avait bien des coiffures ondulées ou frisées pour ce Bébé.....)

 

Là les factures sautent d'avril 1914 à Mars 1915, en pleine guerre.

Après cette date, elles sont adressées à Madame ou encore à Mademoiselle Métayer qui prennent donc le relai sans se décourager dans l'adversité : maladie, appel sous les drapeaux ? En l'absence, qui sera temporaire, de Monsieur Métayer, la Maison doit tourner. Et une belle commande par douzaines et demi-douzaines de Bébés nus etc..nous le prouve.

De retour en 1915, Monsieur Métayer reprend ses commandes de fournitures têtes, pieds ( ? ) et mains.

 

Si les factures adressées par la S.F.B.J. étaient blanches, les avoirs de ses clients étaient sur papier rose, des rendus que la S.F.B.J. reprenait sans problème.

 

 

La Maison Métayer n'avait pas pour seul fournisseur la S.F.B.J. Ainsi, juste avant la première guerre mondiale, on trouve plusieurs factures de 1911 et 1914 " Fleischmann & Bloedel " successeur J. Berlin ( ça ne s'invente pas ! ) livrant des douzaines de baigneurs divers, de bateaux et autres jouets aussi bien depuis Sonneberg en Thuringe que Fuerth en Bavière ou encore de ses fabrique et magasin 123 Faubourg Saint Martin à Paris.

Et puis, nous entrons dans la guerre qui s'installe durablement hélas..... Le dernier contact avec la S.F.B.J. avant longtemps, nous le trouvons dans une lettre manuscrite, signée illisible hélas, du 14 Août 1915 qui accuse réception d'un mandat de 9 Fr crédité au compte de Monsieur Métayer.( Là, c'est volontairement que je me contente de mentionner Fr pour les prix, le Franc-Or, c'est-à-dire la stabilité de la valeur de la monnaie, s'éloigne bien sûr en raison des événements.

Plus d'échange entre la S.F.B.J. et Monsieur Métayer, et ce, jusqu'en 1921 semble-t-il et d'après les documents que nous possédons.

Pour autant la maison Métayer continue d'exploiter son commerce. Lui-même, son épouse ou sa fille continuent à s'approvisionner en jouets mais ailleurs.
Ainsi la " Maison Foucault ", 15 Rue Béranger à Paris leur adresse le 23 Avril 1917 des jouets de garçons, des sabres notamment.

 

Un autre fournisseur, " Les Jeux Réunis ", 3 rue des Haudriettes à Paris 3°, leur envoie une facture non détaillée de 100,60 Fr. " La Fabrication Parisienne de Jouets Bourrés Armand Weill " envoie le 11 Décembre 1918 un bel assortiment d'Ours, Singes, Goûters japonais, Ménagères en Sèvres etc.... Et il est intéressant de remarquer que cette maison est domiciliée elle-aussi, comme la S.F.B.J. au....8 Rue Pastourelle. Devant les difficultés qu'elle rencontrait, la S.F.B.J. avait dû louer ou cèder ( ? ) une partie de cet immeuble anciennement Jumeau. N'oublions pas que Salomon Fleischmann a fui la France et s'est réfugié en Espagne durant cette période. ( 1* ).

 

 

En Juin 1919, " Les Bébés de France " 14 Rue Drouot expédie 3 fois 1/3 de douzaine ( 4 chaque fois donc 12 ) des " Articulés " Robe rouge, Robe à carreaux, Chaperon rouge et une tête incassable ( ? ) le tout livré en gare de Besançon.

 

En août 1919, c'est " la Cie Lyonnaise de construction de voitures et jouets d''enfant " qui envoie des charrettes.

 

 

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Et aussi la " Manufacture de Lunéville Villard & Weill " qui possède une succursale à Paris 20 rue Notre Dame de Nazareth livre en septembre 1919.

" Au Perroquet "," fabrique de jouets d'hier et de toujours " envoie en 1920 pas moins de 15 " Ornis " en quatre modèles différents.

 

 

Enfin la " Manufacture de Bébés Gerbaulet Frères ", 35/37 Rue de Turenne Paris 3°, envoie par chemin de fer 3 douzaines de diables en boite ! ! ! !, la douzaine valant 12 Fr.

Là nous sommes le 22 Janvier 1922..

Revenons à la sortie de cette horrible guerre, la grande, la terrible guerre au début de laquelle avait été créé le label UNIFRANCE afin que les acheteurs sachent que l'origine des produits proposés était de fabrication française et non importés d'Allemagne.

 

Nous possédons une intéressante facture en date du 16 Décembre 1920, de la "Manufacture de Bébés Marcoux " éloquente à cet égard.

Voyez, tamponné à gauche en gros " SOCIETE FRANCAISE des BEBES MARCOUX". Et noter aussi les deux logos en face à face où le terme de Bébés Marcoux flotte sur un drapeau français. Nous ne savons rien de ce qu'elle envoie à Besançon pour 1190 Fr et par chemin de fer mais elle nous parle beaucoup des jouets français.......

 

 

Il semble que jusqu'à la seconde guerre mondiale, le modèle de facture de la S.F.B.J. adopté au cours de la première n'ait pas changé. La dernière en notre possession date de 1933 et est adressé à un autre commerçant en poupées-jouets de La Baule. Y figurent deux têtes incassables, 2 perruques chèvre, 1 paire de jambes et plusieurs paires de mains de tailles différentes. Mais la présentation est exactement la même, la machine à écrire-toujours la même aussi- sauf le ruban qui a dû être changé. Violet et non plus bleu !

 

 


Puis survient la guerre...! Dès 1945 les affaires reprennent doucement, mais les restrictions et manques subsistent. Ainsi Petitcollin peut fournir des Bébés....mais n'a pas de quoi les emballer !

 

 

La seule facture S.F.B.J. actuellement en notre possession et datant d'après la seconde guerre mondiale est du 14 décembre 1948. Nouvelle et plus que sobre présentation même si les références qui faisaient toujours vendre sont encore là mais discrètes : Jumeau, Eden Bébé, Bru. Les médailles ne sont même plus mentionnées. Sont envoyé : 3 fois 4 pièces ( ? ) Art. ( articulées ? ) pour un total de 15.837 F.

Si nous récapitulons le nombre de Manufactures et Fabriques citées dans cette étude, loin d'être exhaustive bien sûr, nous nous apercevons qu'en dehors de la célèbre S.F.B.J., beaucoup d'autres maisons de jouets existaient pour le plus grands bonheur des enfants.

 

Vous parlant plus haut des pièces détachées expédiées en vue de réparations, je m'amuse à attirer votre attention sur le fait que certains collectionneurs s'exclament parfois : " Oh ! c'est un montage...elle a eu les mains changées..... le caoutchouc n'est pas d'origine,,,,, la perruque n'est pas bonne..... ce n'est pas sa jambe..... etc ! " Et pourtant, nous avons donc certainement rencontré les uns les autres des poupées dans cette situation mais où nous n'avons probablement rien pu déceler parce que la réparation était très ancienne. Les avons-nous sous estimées pour autant ?

Poupendol est heureux de mettre à disposition par le biais du net les informations que vous avez pu découvrir et lire ci-dessus. L'histoire de la poupée n'a pas encore livré tous ses secrets que nous continuons à découvrir en cherchant un peu partout il est vrai. Il y faut beaucoup de ténacité, de temps, et éprouver pour elle un intérêt véritable proche de l'affection. C'est vous dire que nous n'avons pas fini de vous en entretenir !

Hélène BUGAT-PUJOL

( 1* ) Pour connaître l'histoire de la S.F.B.J. pendant cette dure période, je vous renvoie et vous conseille vivement un petit opuscule noir, édité par les Editions Polichinelle, intitulé " Août 1914 ", écrit par Monsieur Varenne-Caillard qui remplaça au pied levé Salomon Fleischmann qui avait fui la France et s'était réfugié en Espagne.

 

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18.4.06

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