En 1915, lors de la distibution des prix, un proviseur déclare:

“ Chaque matin, demandez-vous comment votre journée pourra servir le pays. Le sacrifice est le devoir pour tous
les âges, pour tous les temps”. Il ajoute : “On veut que même dans vos amusements, vous gardiez une pensée
toujours tendue, une inquiétude toujours troublante, la pensée de la France dont l'existence est en question. ”

Cité par Léo Claretie dans  "Les Jeux, la Guerre "



1915, l'année la plus terrible, la plus sanglante de la première guerre mondiale !


Illustration de R.de la Nezière pour "  Noël de Guerre "  Semaine de Suzette 1915 p.329

« Dès le premier Noël de la guerre, le nombre de jouets guerriers présentés dans les catalogues des grands magasins s'est élevé de 25% à 50%. Des anciens jeux, tel que le jeu de l'oie, sont transformés. L'un d'entre eux a pour titre
" Jusqu'au bout pour le droit, l'honneur et la civilisation  "
(Léo Claretie  ibid )


Cependant, notre journal favori et Bleuette continuaient  à sortir et à  toujours s'acheminer vers ses abonnées …..en dépit d'une situation chaque jour un peu plus grave.

Cette année-là, les numéros de 1915 sont toutefois fort rares. On ne les trouve pratiquement jamais, probablement victimes des désordres et des  bombardements. J'ai cherché longtemps, partout, partout, aucun numéro, aucun album. Les personnes ou les familles qui en possèdent les conservent précieusement. Aussi lorsqu'une reliure de cette année historique, quoique en mauvais état, s'est offerte à mes yeux, la tentation fut très forte d'y céder. J'entends encore Suzanne Gautrot me disant, " Prenez-le ! Prenez-le, on ne le trouve jamais ! " Ce qui fut fait vraiment, sans  aucune hésitation.
 





Mais si la reliure était encore en assez bon état, l'intérieur était assez délabré. Il avait subi les bombardements mais aussi ceux des enfants  !  Griffonné, gribouillé, déchiré, des numéros entiers manquaient surtout dans le premier semestre. J'ai pu enfin le reconstituer complètement. Ce n'est pas parfait, pas merveilleux, mais il est tout à fait consultable…avec précaution.

J'ai ici préféré vous parler du second semestre que j'ai pu consulter sans trop de difficultés;

Tous les numéros ressemblent à ceux qui les précédaient, toujours de seize pages dont plusieurs en couleurs ( 1 ). Les rubriques n'ont pas changé, toutes y sont. Seule grande absente, encore que dessinée deux fois, Bécassine. Pour un ouvrage : " Genouillères au crochet pour votre soldat " (la voir ci-contre), et pour la vente de l'album " L'enfance de Bécassine ".  Joseph Porphyre Pinchon son créateur n'est pourtant pas encore mobilisé ; j'ai trouvé deux courtes historiettes signées de lui au milieu du second semestre : l'une " Le dramatique voyage de Flossy " p. 161 , 168 169 et 176, l'autre " Le Tableau de Suzanne " p.273 numéro 44 ( 1 seule page )






Un album nouveau, " Bécassine pendant la guerre ", commencera dès le premier numéro  du premier semestre 1916 et finira lui dans les premiers numéros du deuxième semestre de la même année.  Pinchon rentre du front où ii a fait les Dardanelles.

Dans ce même second semestre 1915, nous apprenons la naissance du beau trousseau " Couture " de Bleuette ! Voilà un intérêt majeur qui en fait aussi tout l'intérêt ! Vous toutes en avez entendu parlé. Chaque modèle porte un nom. Le premier  dessiné est  " TIPPERARY " sur  la première publicité qui s'intitule " Les Nouveautés du Trousseau de Bleuette " . Sont également mentionnées mais non dessinées pour le moment ( elles le seront plus tard ) Frou-frou, Capote Frou-frou, Parc Monceau, Toque Parc-Monceau. Nous pouvons aussi lire quelques pages plus loin, une chose  très intéressante que je savais mais n'avais jamais pu contrôler :

" Nous annoncerons prochainement d'autres modèles nouveaux, créés, comme ceux-ci, par une " première " d'une des meilleures maisons  de couture de la rue de la paix, remarquables d'élégance et d'originalité." p.207 du Numéro 39.

Puis Numéro 41  page 239 : " Nous annoncerons prochainement d'autres modèles nouveaux, créés, comme ceux-ci, par une " première " d'une des meilleurs maisons  de couture de la rue de la paix, remarquables d'élégance, d'originalité et qui serviront certainement de modèles à beaucoup de mamans pour habiller nos gentilles lectrices.


Parlons maintenant du concours annuel habituel, qui, lui, nous propose la lecture de lettres envoyées du front par les soldats. Dans chaque lettre manquent quelques mots qu'il faut deviner pour compléter la lettre. Ce concours est composé de huit séries dont les solutions paraîtront p.224.


 Neuvième problème en 14 mots seulement, que nous appellerions aujourd'hui question subsidiaire, : " Composer un rébus disant l'admiration qu'on éprouve pour nos soldats , la qualité des dessins ne sera pas prise en compte, seule la générosité manifestée importera".

*









Enfin, et c'est cela aussi
"La Semaine de Suzette " la date dont plus personne n'a le souvenir maintenant, celle du
  8 Août 1914 qui marque l'entrée des troupes françaises
libératrices sur le sol Alsacien.

 Dans le précédent semestre de cette même année 1915, très vite, figura dans la rubrique  " Nous habillons Bleuette " la tenue d'une petite alsacienne que j'ai le privilège de posséder, de l'époque, avec ses chaussures faites mains difficilement, son superbe noeud de soie noire dans les cheveux…. rien ne manque, pas même la cocarde qui orna à nouveau très vite ce superbe costume régional.



Notre charmant journal qu'est la Semaine de Suzette serait-il aussi un livre d'Histoire, je le crois …….





Hélène BUGAT-PUJOL


1 )    En 1916,  par contre, plusieurs numéros, faute d'encre de couleurs, sortiront en noir et blanc.

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