Un tres rare Steiner : Le Siffleur
"Salut, Gavroche ! "
par Samy ODIN
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Il est parfois des objets qui semblent vous choisir pour poursuivre avec vous ou par vous, leur chemin dans ce monde. C'est la cas du siffleur STEINER qu'il m'est agréable de vous présenter ici.
Ce petit personnage plus que centenaire m'intriguait depuis déjà quelques années, lorsque j'ai dévoré le remarquable ouvrage de Dorothy Mc Gonagle sur la production STEINER. Elle y répertorie un siffleur dont elle explique le fonctionnement par un croquis, mais dont elle montre une photo qui illustre, de toute évidence, un exemplaire assemblé sur un corps non d'origine. En vérifiant dans l'encyclopédie COLEMAN les informations relatives à cette poupée, je constatai qu'elles reposaient, hélas, sur le même spécimen au corps erroné. Insatisfait, j'essayai de retrouver d'autres siffleurs STEINER dans ma documentation mais sans succès.
Quelques temps après, voilà que des particuliers s'adressent à la clinique du Musée pour faire restaurer une poupée de famille, dans le but de la négocier ensuite : le siffleur STEINER de mes rêves !
Je jouai franc jeu : hormis la perruque et le béret manquant, la poupée n'avait pas besoin de restauration; étant intéressé à l'acquérir dans l'état je n'établis donc aucun devis et refusai de leur faire une offre, en leur précisant qu'à tout moment leur prix, dans des limites raisonnables, serait le mien.
Et ils partirent...Et je tremblai de ne jamais les revoir....Les mois passèrent et, loi des séries oblige, je tombai sur la photo d'un autre siffleur STEINER dans un catalogue américain de vente aux enchères : il était dans son parfait état d'origine, vêtu d'une tenue de cuisinier et proposé à une estimation en dollars fort dissuasive pour les poches du petit européen que je suis. Je renonçai à enchérir sur le cuisinier...Et recommençai à rêver du " Titi Parisien ".
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uelques jours seulement s'écoulèrent et voilà qu'à l'autre bout du fil une voix connue me demandait un rendez-vous pour " notre histoire de siffleur " ( Il me faudrait un talent de caricaturiste pour vous décrire ma tête à ce moment là ! )
Près de deux ans s'étaient écoulés depuis notre première entrevue. Le siffleur avait un peu changé : On lui avait retendu ses élastiques ( qui n'étaient pourtant pas si usés ) et on lui avait collé ( si, si ! et à la colle bien puissante ) des cheveux naturels, raides comme des spaghetti (Voir ci-dessous), bien que dans le souvenir des propriétaires, il ait porté une perruque en mohair un peu ébouriffée ainsi qu'une casquette de " Titi Parisien ", qui explique le nom avec lequel il avait été baptisé : «Gavroche». Heureusement, il portait toujours ses habits d'origine ( Ouf ! ). Apparemment notre " pinson " avait entre temps fait le tour de Paris : de clinique en boutique spécialisée, en passant par les Puces et par l'Hôtel des Ventes, les propriétaires avaient enfin chiffré leurs exigences et choisirent le Musée comme ultime demeure pour leur " Gavroche ". Il s'y trouve désormais exposé depuis le 3 avril dernier.
Voilà pour les circonstances de l'adoption de notre siffleur STEINER. Mais venons-en maintenant à son descriptif:
Rare, voire exceptionnel, ce siffleur STEINER date de l'époque où la veuve LAFOSSE dirigeait la célèbre entreprise parisienne, à savoir de 1892 à 1899. On n'a pas retrouvé de brevet déposé par le fabricant pour ce système mais la marque au tampon encreur rouge LE PARISIEN, apposée sur la nuque, permet de dater avec précision cette poupée à tête en biscuit pressé, contemporaine des premiers bébés-caractère de JUMEAU, des bébés double-face de BRU et autres poupées " expressives " de la fin du XIXeme siècle, ainsi que des modèles résolument réalistes de STEINER ( tels les militaires et autres sujets masculins ). L'intérêt du spécimen présenté ici réside d'une part, dans son état d'origine parfait ( tête, corps et vêtements sont rigoureusement authentiques ), d'autre part dans sa provenance directe de la famille qui le détenait depuis environ 1OO ans.
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es yeux sont fixes en émail aux iris bleu, les cils et sourcils finement peints. Sa bouche ouverte suggère efficacement l'expression d'un siffleur. De l'intérieur de celle-ci un tuyau, ( aujourd'hui désagrégé ), et pénétrant dans le crâne par un trou circulaire au niveau de la nuque, devait relier un sifflet contenu dans le creux du palais à une poire en caoutchouc insérée dans une concavité située dans le dos.
Techniquement, le système du siffleur se démarque du brevet du têteur de BRU qui comportait tout le mécanisme dans le crâne, et anticipe celui adopté en 1910 par la S.F.B.J. pour son deuxième têteur. Cette poire donnait du souffle au sifflet de la bouche ! Les parties en caoutchouc ont évidemment dû se dessécher et tomber en poussière. Aucun siffleur répertorié à ce jour ne semble, en effet, avoir gardé son mécanisme intact. On ne saura jamais si GAVROCHE sifflait comme un pinson ou comme un cochon !!!....
Mesurant 33 centimètres ( seule taille connue ), le tronc et les membres sont en composition. Les bras et les jambes sont raides.
Son costume d'origine en épaisse toile marron est composé d'une simple veste sans col, d'un pantalon à la zouave, d'une paire de chaussettes de couleur assortie et d'une paire de bottillons en peau marron assez rudimentaire. Dans le souvenir de ses anciens propriétaires, ne manque donc que la casquette que ce garçonnet portait lorsqu'il fut offert à un de leur ancêtre au tout début du siècle.dernier.....
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Samy ODIN
Directeur du Musée de la Poupée Paris
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Avec les cheveux "spaghetti" !
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