En 1945, la France poursuivait encore son combat à l'Est mais sa volonté de renaître était là. Et Paris, capitale du goût et de la mode mettait en place ce superbe projet fou,
" LE THÉÂTRE DE LA MODE ". |
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Nocturne de PATOU |
Conçue pour redonner vie au travail des artistes, des créateurs, des artisans, le succès de l'entreprise fut immense ! La grande galerie du Pavillon de Marsan accueillit le 27 Mars 1945, pour environ deux mois, 15O poupées-mannequins pour un événement resté dans les annales en dépit des privations, du rationnement, des difficultés terribles que connaissaient notre pays , les parisiens en particulier. |
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MOLYNEUX
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Ces poupées mannequins furent immédiatement après admirées dans de nombreux pays d'Europe puis aux États-Unis, où elles s'endormirent d'ailleurs jusqu'en 199O; cette année là, grâce à la volonté pugnace d'une américaine Suzan Train et au travail sans faille d'une poignée de contemporains miraculeusement retrouvés et de grands noms de notre époque, le Théâtre de la Mode retrouva ses fastes et sa fraîcheur à l'occasion de l'inauguration du tout nouveau musée de la mode installé à son tour...dans le Pavillon de Marsan, un retour aux sources ! Mais revenons à l'événement de 1945 en tout point exemplaire. Cette opération de prestige emmenée par Christian Bérard, son directeur artistique eut d'abord le grand mérite de brasser les enfants prodiges des deux après-guerres. De très grand noms de la danse, de l'art, de la littérature, de la peinture ou du dessin, de la couture s'unirent pour promouvoir l'événement au Zénith de l'actualité de l'époque, " alliance qui donna naissance avec grâce et poésie à un symbole d'espoir, renouveau ".
MANGUIN ⇒
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L'entraide Française qui venait en aide aux victimes de guerre eut l'idée de demander à la Chambre Syndicale de la Haute Couture Française, présidée par Lucien Lelong, la mise en œuvre d'une manifestation au profit des plus démunis. Robert Ricci et Paul Caldaguès furent chargé de l'opération. Ce fut ce dernier, semble-t-il qui eut l'idée des " Poupées Habillées " par des maisons de couture. L'artiste créatrice Eliane Bonabel fit les croquis, s'éloignant volontairement du jouet pour s'approcher du mannequin: les figurines en fil de fer prirent forme et dimension ( 70 cms ) ; un sculpteur réfugié catalan, Rebull, fut chargé de la conception des têtes en plâtre destinées à recevoir coiffures et chapeaux; ses réalisations, sans maquillage, sont de très fines sculptures.
L'idée de la présentation en un petit théâtre est de Robert Ricci qui confia la conception, la réalisation et la coordination de l'ensemble au grand Christian Bérard. Différents artistes bâtirent chacun leurs décors dans lesquels les couturiers allaient placer leurs poupées habillées. Chaque maison, selon son importance s'engagea à produire de 1 à 5 costumes !
Au début, les figurines ne devaient être qu'habillées et chapeautées. Mais une émulation comparable à celle qui anima les créateurs en 1938 pour les poupées France et Marianne s'empara des différentes professions artisanales
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Rien ne leur manque donc, tout se compléta...chaussures, sacs parfois garnis !, fourrures, bijoux, dessous etc...jusqu'au moindre détail et notamment les finitions intérieures aussi soignées que si le vêtement avait dû être porté à l'envers !
Le résultat fut féérique; en présence du tout Paris, l'inauguration eut lieu le 27 Mars 1945 donc avant même la fin de la guerre ! " Imaginez Le Pavillon de Marsan, énorme pièce tendue de velours rouge avec ses petits théâtres qui étaient les seuls points de lumière, éclairés par des rampes de théâtre...mais rien de plus..." L'exposition connut un tel succès qu'elle fut prolongée de plusieurs semaines et rapporta à l'Entraide Française la somme faramineuse pour l'époque de 1 million de francs. Il est vrai que plus de... 100.000 visiteurs y furent accueillis ! |
n'étant assez bien pour elles - figurines et décors se retrouvèrent...dans les réserves du grand magasin " City of Paris "
A ma connaissance, l'histoire ne dit pas comment, en 1952, 160 d'entre elles passèrent de ce lieu au petit musée Maryhill dans l'état de ...Washington dont elles sont aujourd'hui la propriété. Elles nous firent donc beaucoup d'honneur en le quittant en 1990 pour revenir à Paris, s'y faire restaurer et parfois rhabillées et où un très bel hommage leur fut rendu à l'occasion de l'inauguration du Musée de la Mode. |
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On peut s'étonner de l'ampleur de cet événement lequel remis dans le contexte de l'époque peut paraître incongru: le dénuement de la population française, les privations drastiques, le contingentement draconien en parallèle, comparés aux fastes un peu légers et apparemment frivoles surprennent, c'est vrai.
Mais il faut avoir présent à l'esprit que la mode de Paris faisait vivre un million de personnes qui tiraient souvent de leur activité la totalité de leurs revenus. Il avait été calculé qu'avant la guerre, l'exportation d'une robe de grand couturier permettait l'achat de 10 tonnes de charbon, un litre de parfum 2 tonnes de pétrole, une bouteille de champagne 3 kilos de cuivre. " C'était aussi la faculté immédiate d'échanger beaucoup de devises contre très peu de matières premières ." S'il semble avéré que 160 poupées furent de l'inauguration du 27 Mars 1945, la liste établie à New York fait mention de 228 numéros ( plus 9 actuellement non répertoriés et non attribuées.)
PAQUIN⇨
⇦ BALMAIN
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Les grands journaux de l'époque qui subsistaient dont celui intitulé " La Haute Couture Française " ( dans son numéro du 7 Juillet 1945 ) parlèrent largement de cet événement de dimension nationale.
Le livre de Suzan Train intitulé " Le Théâtre de la Mode " ( Édition Du May 1990 ) reprend l'historique de ce qui fut inoubliable en cette sortie de guerre et refait donc le point en 1990 pour le plus grand plaisir de notre mémoire et de notre culture.
POUPENDOL
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R E T O U R
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